Envoyez-nous votre témoignage
TÉMOIGNAGES DE PATIENTS
Témoignage de Monsieur Jean-Marc N …
Bonjour,
Je vis avec ce problème depuis longtemps, au moins depuis 1990. J’avais alors 30 ans, âge auquel j’avais des crises vertiges qui ont disparu par la suite. A l’époque (1990), les différents examens n’ont rien révélés …
Ce n’est qu’en 2019 qu’un diagnostic est « enfin » arrivé : aréflexie bilatérale idiopathique.
Soulagement car enfin je savais et déception car pas de réelle solution.
Depuis 2019 j’ai des séances de kiné vestibulaires ce qui m’a permis de stabiliser ma vision et aujourd’hui, à 61 ans passés, je peux affronter plus sereinement la conduite et même le vélo.
Néanmoins tout n’est pas rose.
Exemples typiques de choses que je ne peux pas faire : marcher en regardant un smart phone, marcher plus de 6 pas les yeux fermés, traverser un tunnel sombre en vélo, tenir sur une jambe les yeux fermés. Parfois en vélo, lorsque je m’arrête, « déclipse » côté gauche et je tombe côté droit (ça fait beaucoup rire !)
J’ai également remarqué que toute altération de ma proprioception dégrade mon équilibre : douleur aux genoux, hernie inguinale, ampoule au pied, marcher dans du sable ou sur des pavés.
Je crains qu’avec l’âge, ma vue et ma proprioception se dégradant, je perde le sens de l’équilibre qui me reste.
Ceci dit, je pense que je fais partie de ceux qui s’en sortent plutôt bien.
Merci.
Jean-Marc N.
Commentaire (Professeur Jean-Philippe Guyot)
Cher Monsieur,
Merci de votre témoignage qui illustre très bien certains aspects de cette affection.
Les épisodes de vertige que vous faisiez indiquent que vous avez perdu votre fonction par paliers. A chaque étape, il y a un épisode de vertige ; une fois la fonction totalement perdue, il y a un déséquilibre constant.
Les examens faisables en 1990 étaient limités à l’examen calorique. On stimule l’appareil vestibulaire par injection d’eau dans une oreille puis dans l’autre. Ce test renseigne sur la capacité de la fonction vestibulaire à répondre à des mouvements de tête très lents. Ce n’est que quelques années plus tard qu’il a été possible de tester ses compétences à répondre à des mouvements rapides, avec de fortes accélérations comme ceux que nous faisons à longueur de journée, lorsqu’on tourne la tête vers la personne qui nous interpelle, par exemple.
Et vous soulignez très bien le rôle de la proprioception qui devient une ‘canne’ si importante lorsqu’on a perdu la fonction vestibulaire …
Bravo pour votre courage et gros mercis de votre témoignage !
Jean-Philippe Guyot
Madame R T, 58 ans.
Instabilité 24 heures par jour, tête vertigineuse, maux de tête, vision floue : je vis avec ces symptômes depuis le mois de juin 2018.
Pendant 5 ans, je suis allée de visites en visites. La première chez un généraliste, puis chez un ORL qui m’a dit que je n’avais rien dans les oreilles et m’a envoyée chez un ostéopathe. Après l’ostéopathe, ce fut au tour d’un gnathologue qui m’a fait porter un support interdentaire (!) pendant un an, sans aucun bénéfice. Puis il y a eu une visite chez un neurologue, sans résultat. J’ai passé une IRM de la tête et du cou: “tout va bien”. Puis chez un deuxième ORL qui m’a conseillé de la rééducation vestibulaire, ce que j’ai fait pendant une année entière dans un hôpital. Visite chez un troisième (!) ORL: “tout va bien”. Finalement, j’ai décidé d’aller à Zurich où en juin 2023, on m’a enfin diagnostiqué un déficit vestibulaire bilatéral.
Mon plus grand souci est le travail. Chaque jour, je me lève en me demandant comment la journée se déroulera : bien, supportable, horrible ? Je n’ai jamais manqué une journée de travail, mais combien de fois, au cours de ces cinq années, ai-je songé à démissionner ? Très souvent. Mais j’aurais alors un autre problème à régler… le problème économique, et donc chaque matin, je me lève, je me pousse et je me prépare pour la journée de travail, en y dépensant la plus grande partie de mon énergie au détriment de ma vie privée. Oui, parce que le soir, je suis épuisée !
Puis, il y a des moments où je me sens mieux (mystère) et alors je me lance et je fais tout et n’importe quoi. C’est agréable de se sentir bien, de ne pas se sentir ivre dès 6 heures du matin ! Je ne sais jamais combien de temps durera cette grâce, mais j’en profite pour faire tout ce que je ne peux pas faire d’habitude.
Ma vie a-t-elle changé ? Je dirais oui, mais ma devise reste toujours : interdit d’abandonner ! R T, juillet 2023
Monsieur B G, 49 ans.
Mon parcours médical est très long …
J’exerce la profession d’ingénieur logiciel. J’ai consulté pour la première fois mon généraliste de l’époque pendant mes études d’ingénieur, il y a donc plus de 25 ans. Je ne me sentais pas bien durant les cours. J’avais toujours besoin de me soutenir la tête et l’impression que j’allais tomber ou même m’évanouir. Mon médecin a trouvé que ma pression était un peu basse mais les médicaments contre l’hypotension ne m’ont pas aidé. C’est à ce moment que j’ai commencé à avoir le « vertige », ne plus pouvoir monter sur un télésiège par exemple.
J’ai eu une jeunesse très alcoolisée, surtout jusqu’à 20 ans et le début des études. Je pensais que le fait d’avoir arrêté de boire en commençant l’école d’ingénieur pouvait aussi expliquer ce mal-être, cette sensation de ne jamais être stable en position debout. Cela allait mieux après mes études, peut-être par le fait d’être moins statique, de ne plus être assis toute la journée pendant les cours. Je n’ai donc pas consulté pendant plusieurs années. Et puis je me suis marié, j’ai eu deux enfants. Vers 30 ans, j’ai fini par consulter un généraliste en me plaignant de vertiges. Mais comme cela n’était pas de « grands vertiges rotatoires », il n’a pas jugé bon de m’envoyer chez un ORL. J’ai donc continué « à faire avec », en étant fatigué presque tous les jours et avec cette sensation d’être sur une bouée flottante en permanence.
La fatigue a toujours été le symptôme le plus gênant. Il suffit que je dorme une ou deux heures de moins pour que le lendemain soit très difficile. Cela fait 20 ans que je vis dans l’angoisse du lendemain, à me demander si je serai seulement un peu fatigué ou dans un état catastrophique et dans ce cas si je pourrai travailler. Environ 5 jours sur 7, j’ai l’impression de n’avoir dormi qu’une ou deux heures. Il y a aussi les autres symptômes connus du déficit vestibulaire bilatéral ; la sensation d’un état d’ébriété, une vision parfois très instable lorsque je marche et quand je tourne la tête et aussi un état nauséeux assez fréquent. Mais je pense que ma vision et mon système proprioceptif sont aujourd’hui bien entraînés et j’arrive à gérer plus ou moins bien le manque d’équilibre. Un autre symptôme assez marqué est le manque de confiance en soi, conséquence de n’être jamais très à l’aise. Parfois le midi, j’anticipe avec angoisse le fait de faire la queue debout à la cantine et puis de marcher avec le plateau jusqu’à une table.
Mais revenons à la chronologie de mon parcours. Il y a environ 10 ans, j’ai divorcé, puis remarié et nous avons emménagé à Neuchâtel. Lors de la séparation, j’ai eu un gros épisode de vertige rotatoire. J’ai consulté un ORL qui n’a pas détecté de déficit vestibulaire.
Il y a 7 ans, mon état est devenu très difficilement gérable et j’ai pris un rendez-vous chez un ORL sans passer par mon généraliste qui n’avait d’ailleurs pas pu m’aider non plus. Et là, Eurêka, l’ORL détecte un problème au test calorique*. C’était un pour mémorable pour moi !
Pour la première fois, il y avait la preuve d’un problème, je n’étais pas fou ! Il m’a envoyé chez un spécialiste des problèmes d’équilibre. J’ai refait le test calorique, une IRM et d’autres tests.
Honnêtement, j’ai eu de la peine à comprendre son diagnostic, les médecins ayant parfois beaucoup de peine à donner des explications aux patients …
J’ai fait des séances de physiothérapie qui n’ont rien changé. J’ai aussi consulté un ophtalmologue puisque je me plaignais d’avoir toujours les yeux fatigués et aussi un psychiatre. Finalement, on m’a prescrit du Deanxit qui m’a aidé. Le stress, les angoisses, la dépression et l’épuisement sont en effet d’importants facteurs aggravants. Je n’ai plus consulté jusqu’au début 2022.
Début 2022, je consulte une nouvelle généraliste, le précédent étant parti. Je lui parle de mon problème d’oreille interne et de mon souhait de consulter un autre ORL. Elle me dit que si l’ORL vu sept ans auparavant n’avait rien pu faire, il était inutile d’en consulter un autre. Mais j’insiste et elle finit par céder. Il est évident que je ne retournerai pas chez cette généraliste qui m’a littéralement mis dehors de son cabinet !!!
Cet ORL constate le problème avec le test calorique et je refais une IRM. Ce médecin est convaincu que le problème est d’origine virale et me fait prendre, pendant presque un an, une dizaine de traitements différents dont une injection de corticoïde me fait refaire une douzaine de séances de physiothérapie vestibulaire. Comme rien n’y fait il m’envoie finalement dans un service ORL universitaire.
C’est là qu’en décembre 2022, on pose le diagnostic de manière péremptoire : déficit vestibulaire bilatéral. Pour le médecin, l’origine est génétique. Dans la minute qui suit, il m’annonce aussi qu’il n’existe aucun traitement. Ce fut un choc terrible : un espoir de 30 ans qui part en fumée, l’attente qu’un médecin identifie le problème pour qu’on puisse trouver la solution. Je me souviendrai toute ma vie du moment où j’ai quitté le centre universitaire, l’effort que j’ai dû faire pour ne pas m’écrouler dans les couloirs de l’hôpital et ne pas fondre en larme dans le train qui me ramenait à Neuchâtel. Il n’a même pas pensé à me parler de l’association des patients dont je suis certain qu’il a été informé de l’existence. C’est mon infirmière qui en a trouvé l’adresse en tapant « association déficit vestibulaire » dans Google. Juste avant Noël, je trouve une nouvelle généraliste qui me prescrit de la Sertraline, un antidépresseur que je ne prendrai que 3 jours. A ce moment-là, je pensais pouvoir prendre le dessus tout seul, passer les fêtes en famille puis ensuite me concentrer sur mon travail. Et c’est ce que j’ai fait mais après 3 semaines de travail je n’y arrivais plus. L’épuisement. Je réalise que je ne peux plus faire comme si de rien n’était, je ne peux plus travailler à 100%. Je vois depuis lors une psychiatre. L’épuisement laissera gentiment la place à une dépression qui est aujourd’hui encore très présente. Il faut dire que je n’ai pas eu de chance avec les différents antidépresseurs et leurs effets secondaires. Je suis donc en arrêt de travail complet depuis le mois de février 2023.
Aujourd’hui, je ne sais pas quand je pourrai reprendre le travail et à quel pourcentage, n’y même si je pourrai continuer le même travail. Je travaille au développement de systèmes médicaux. Le comble est que j’ai moi-même conçu ces dernières années plusieurs systèmes avec des accéléromètres, des gyroscopes et des magnétomètres… Bref, tous les capteurs capables de fournir es données de position, de mouvements et d’orientations. Exactement ce dont j’aurais besoin !!!
Voilà pour mon parcours. Au total ce sont donc 4 ou 5 généralistes et 3 ou 4 ORL avant d’avoir un diagnostic définitif. Et ceci sur 25 à 30 ans ! Pour, finalement, se retrouver seul avec son handicap !!!
Aujourd’hui, mon déficit vestibulaire bilatéral est complet ou quasiment. Ma condition est-elle aujourd’hui plus difficile parce que le déficit n’a pas toujours été complet ou parce qu’il y a des facteurs aggravants comme le stress, l’angoisses, la dépression, l’épuisement ou en raison du vieillissement et de la perte d’énergie qui en résulte ?
Que représente pour moi ce handicap ? Depuis deux ans maintenant, donc avant l’apparition de la dépression, je tiens à le préciser, j’utilise cette image : si pour retrouver mon équilibre d’antan le prix à payer était l’amputation de mon bras gauche, je n’hésiterais pas une seconde. J’aime utiliser cette comparaison, très concrète pour les gens qui, malheureusement, ne me croient pas !
Je suis aussi très inquiet concernant la poursuite de mon activité professionnelle qui implique énormément de travail sur des ordinateurs et sur les petites pièces que nous concevons. La plupart du temps, je suis face à 2 écrans …. Est-elle encore possible, à quel pourcentage ?
B G, mai 2023
Commentaire (Professeur Jean-Philippe Guyot)
Merci de votre témoignage très, très complet, c’est le moins qu’on puisse dire. Malheureusement, bien des médecins pensent qu’une fois le diagnostic fait, le travail est terminé. Mais, lorsqu’un thérapeute dit qu’il n’y a rien à faire, est-ce la fin ou le début d’une relation thérapeutique comme le suggérait Colette Degive, psychologue ?
Concernant votre avenir professionnel, il vous faut savoir que seul un tiers des patients avec un déficit vestibulaire bilatéral gardent leur activité professionnelle, ceux bénéficiant de conditions exceptionnellement idéales [Miffon M, Guyot JPh.
Difficulties faced by patients suffering from a total, bilateral vestibular loss. J ORL, Head Neck Surgy 2015; 77:241-247].
Certes, vous travaillez assis mais vous êtes face à deux écrans d’ordinateurs et devez aussi porter votre regard sur les pièces que vous concevez. Vous faites donc constamment des mouvements de la tête qui, bien que petits, génèrent de très fortes accélérations pouvant aller jusqu’à 3’000 degrés/s2 ! Sans système vestibulaire, la tâche est épuisante puisque vous devez constamment tenter de retrouver la cible visuelle d’intérêt. A cet épuisement s’ajoute la fatigue résultant des activités quotidiennes les plus banales comme se déplacer ou s’habiller, activités que les personnes saines réalisent sans aucun problème.
Aucun des membres de l’association travaillant sur ordinateur n’est actif à plein temps, même ceux avec un seul écran devant eux. Et plus l’écran est large, pires sont les difficultés ! Tous préfèrent travailler sur des documents manuscrits sur papier où, à l’écriture et la lecture, les mouvements de tête sont nettement moins fréquents et beaucoup plus doux : le mouvement des yeux suffit à parcourir l’ensemble du document.
Je vous laisse voir avec votre médecin à quel pourcentage fixer vos capacités de travail. Il m’est toutefois très clair qu’une réduction du taux d’activité est plus que justifiée : elle est nécessaire, au risque sinon d’un burn-out comme l’ont connu certains membres de l’ASDVB dont les médecins ne réalisent pas l’importance du handicap. Il faut encore souligner que ce handicap est scandaleusement mal coté par les seules tabelles existantes en Suisse, celles de la SUVA qui se basent sur des tests datant du tout début du 20ème siècle, en particulier les tests caloriques et pendulaires [Barany R. Untersuchungen über den vom Vestibulärapparatdes Ohres reftektorisch ausgelösken rhythumischen Nystagmus und seine Begleiterscheinungen. Monatsschrift Ohrenheilk 1906;40:193-237] ! Depuis lors, bien des tests ont été développés, tests dont ces tabelles ne tiennent pas compte !
* Une chance que ce test, qui consiste à injecter de l’eau froid puis chaude successivement dans les oreilles et à observer le mouvement des yeux qui en résultent, se soit avéré pathologique chez vous puisqu’il peut rester longtemps normal en cas de déficit vestibulaire bilatéral. Le médecin alors, s’il ne pratique pas d’autres tests adéquats, considèrera que tout est normal … « Circulez, il n’y a rien à faire ! »
Madame P L, 60 ans
Le diagnostic de déficit vestibulaire bilatéral a été posé à l’automne 2019 suite à des épisodes aigus de vertige. Le monde autour de moi tournait comme si j’étais à l’intérieur d’une machine à laver. Mon mari étant professeur de médecine dans un centre universitaire, j’ai, par chance, été rapidement orientée vers un médecin qui a su poser le diagnostic. Par la suite, j’ai encore consulté un autre centre universitaire principalement pour connaître l’état d’avancement de la recherche dans ce domaine. C’est là que l’adresse de l’ASVDB m’a été donnée.
Dans l’évolution, les épisodes de vertiges se sont estompés pour laisser place à des oscillopsies quotidiennes, plus chroniques. Aujourd’hui, à la marche ou lors d’autres mouvements, l’environnement bouge également. La vision est floue et n’est pas stable. Tout ceci génère des maux de tête et de la fatigue. J’ai des difficultés à reconnaître les visages, à être dans une grande foule ou traverser un espace étroit, par exemple un trottoir. Je suis très sensible à la lumière vive et en même temps, ne me sens pas à l’aise dans l’obscurité. Encore maintenant, il y a tant d’inconnues que je suis souvent surprise de présenter de nouveaux symptômes. Je ne cesse d’améliorer ma compréhension de la maladie au fur et à mesure de son évolution La marche est devenue une activité « exclusive ». Je ne peux pas parler ou regarder mon téléphone en même temps ou porter un sac lourd qui peut me faire perdre l’équilibre. En sport, je peux continuer la plupart des activités mais à une intensité réduite. Par exemple, je peux marcher, au lieu de courir, skier mais plus lentement et pour une heure seulement et nager mais tant que j’ai de bonnes lunettes pour garder les yeux ouverts.
J’ai suivi deux séries de physiothérapie qui ont amélioré quelque peu les oscillopsies, momentanément. Dès l’arrêt de la thérapie, elles sont réapparues, plus fortes. J’ai donc recommencé un troisième cycle.
Je suis heureuse de pouvoir partager mon expérience avec d’autres patients souffrant d’un déficit vestibulaire bilatéral.L P, mai 2023
Madame R S, 59 ans
Faisant souvent des randonnées en montagne, j’ai remarqué à l’été 2020 que j’étais plus instable lors de la marche. J’ai d’abord pensé que c’était de la fatigue ou dû à la vue car j’avais beaucoup lu pendant la période de confinement du COVID. Je suis d’abord allée voir l’ophtalmologue où tout était normal sauf que j’avais un œil un peu plus gros que l’autre. Il m’a fait faire une IRM qui était normale. Après, je suis allée voir mon généraliste. La prise de sang était normale et comme j’avais un peu mal à la nuque, il m’a prescrit des séances de physiothérapie qui, par hasard, ont fait s’atténuer les oscillopsies. Peut-être étais-je plus détendue. A l’époque, je ne savais pas ce qu’étaient ces oscillopsies, je ne connaissais pas ce problème. J’ai demandé à mon généraliste si ça pouvait venir des oreilles. Il les a regardées et m’a répondu que j’avais un petit bouchon et qu’il fallait que je mette de l’eau pendant la douche pour le faire partir. Ainsi, ça en est resté là. Nous sommes à l’automne 2020. Comme ça ne s’améliorait pas, je suis retournée en janvier 2021 chez mon généraliste et lui ai demandé de m’envoyer chez un ORL. Ce qui a été fait au printemps 2021.
Cet ORL m’a dit que j’avais un déficit vestibulaire unilatéral mais, comme il n’était pas sûr, il m’a envoyé dans un service universitaire pour des examens plus poussés. Le résultat était un déficit vestibulaire bilatéral. On était en juillet 2021 et j’étais alors âgée de 57 ans.
Actuellement, mes difficultés sont surtout de l’instabilité à la marche, avec parfois des vertiges, mais heureusement pas de chute, et des oscillopsies avec des périodes plus ou moins fortes, peut-être influencées par mon état général, fatigue ou énervement par exemple. D’ailleurs au printemps 2022, il m’a semblé que les troubles étaient plus forts. Je
pensais que le déficit s’était aggravé, mais j’ai refait des examens dans le service universitaire à l’été 2022 et il s’est avéré que ce n’était pas le cas. Je marche toujours beaucoup et je fais de la danse country, en espérant faire travailler mon cerveau … et que ça ne s’aggrave pas trop vite ! Malheureusement, cet automne je n’ai pas pu marcher plus de 50 mètres, bloquée par les douleurs causées par un canal lombaire étroit.
Conséquences : beaucoup d’oscillopsies. Après deux opérations du dos, en décembre puis en janvier, je peux recommencer mes activités et j’espère que les oscillopsies diminueront. Je ne fais plus de vélo après une tentative l’année passée qui s’est soldée par la mauvaise impression que je ne savais plus aller en vélo.
Je n’ai pas une très bonne ouïe depuis de longues années mais je ne mets des appareils auditifs que depuis 2021 ; avant, je n’avais pas envie d’en porter.
J’ai découvert votre association sur internet en me renseignant sur ce problème.R S, mai 2023
Monsieur G L, 47 ans
Je viens de trouver votre site et souhaite y apporter un témoignage positif pour partager mon expérience et, aussi modestement que possible, peut-être aider des personnes qui passeraient par les mêmes troubles que ceux que j’ai vécus.
A l’âge de 30 ans, j’ai été opéré d’un cholestéatome* de l’oreille gauche et à 42 ans d’un cholestéatome de l’oreille droite. J’ai perdu beaucoup d’audition ainsi que mes vestibules.
Suite à la deuxième intervention, je suis sorti de l’hôpital à « 4 pattes ». J’ai alors fait une assez longue kinésithérapie vestibulaire** chez une personne très compétente. Il m’a fallu quasiment 8 mois de rééducation pour pouvoir faire quelques tours de pédales sur mon vélo.
Je marchais tous les jours à la campagne, au calme et sans stress des autres usagers. Environ 2 années supplémentaires ont été nécessaires pour réellement réapprendre à me déplacer, surtout la nuit.
Nous rentrons d’un voyage en famille d’une année sur un catamaran. Je pense avoir peaufiné cette rééducation et aujourd’hui je me sens quasiment normal. Les troubles qui persistent résultent plutôt de ma perte d’audition. Sur le plan de l’équilibre, si on m’avait dit à la sortie de l’hôpital que je pourrais conduire normalement, faire du vélo normalement, VTT en terrain accidenté, de la voile, de la moto, du ski, bref avoir une vie normale, et bien je ne l’aurais pas cru. Je remercie le kinésithérapeute qui m’a pris en charge et qui m’a dit « je ne vais pas vous guérir mais je vais vous apprendre à vivre avec». Il avait raison. En fait, il faut être patient, persévérant et combatif, c’est possible. Cela dit, chaque cas est particulier mais sincèrement cela vaut le coup de croire que ça peut aller mieux.
De fait, je ne peux pas dire que mon déficit vestibulaire me pèse. Je vis très bien. Bien entendu, je reste prudent en vélo et fais attention dans l’obscurité. Je trouve beaucoup plus contraignant de ne pas bien entendre. Cela dit, j’ai vu dans une présentation des recherches en cours certains éléments qui me concernent, comme les problèmes de sommeil et de respiration mais je m’en accommode davantage que de ne pas bien entendre. Par contre, j’appréhende la vieillesse, encore suffisamment lointaine aujourd’hui … et les problèmes de ce cocktail, perte d’équilibre, surdité, respiration.
J’ai aujourd’hui 47 ans et je souhaite bon courage à tous.
G L, avril 2023
Commentaire (Professeur Jean-Philippe Guyot)
Un très gros merci à vous de votre témoignage très positif et donc encourageant. Et félicitations pour votre courage et votre belle volonté. Toutefois, celles et ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir exercer autant d’activités que vous ne se sous-estiment pas. Comme vous le dites, ‘chaque cas est particulier’. Je ne peux que le confirmer puisque, au cours de ma carrière, j’ai pu constater des compétences différentes chez les patients souffrant d’un déficit vestibulaire bilatéral. Il est bien possible que ceux qui peuvent vivre quasi normalement aient des ‘petits restes’ de fonction, non décelables par les tests dont nous disposons aujourd’hui. Cette remarque n’enlève rien à la qualité de votre témoignage et encore merci et bravo à vous ! Et comme vous le dites aussi, ‘sincèrement cela vaut le coup de croire que ça peut aller mieux’ !
* Il s’agit d’une tumeur bénigne, non cancéreuse, qui se développe en profondeur de la membrane tympanique, dans l’oreille
moyenne et qui peut éroder l’os dans lequel est enfouie l’oreille interne et donc l’appareil vestibulaire. Parfois, le cholestéatome
peut même envahir l’oreille interne et altérer ses fonctions définitivement, audition et équilibre.
** En Suisse, on utilise tes termes équivalents de ‘physiothérapeute’ et ‘physiothérapie’.
Monsieur E J-L, 64 ans
Je suis ivre dans le noir ou sans repères visuels orthogonaux ainsi que sur un sol instable sans avoir besoin de boire … L’IRM est normale, le VHIT (test d’impulsion de la tête) ne l’est pas.
E J-L, janvier 2023
Madame W D, 66 ans.
Je souffre d’un déficit vestibulaire depuis mon enfance qui a engendré beaucoup de souffrance physique et psychologique et même des épisodes de décorporation. Les psychiatres nomment ces symptômes de la dépression. J’aimerais pouvoir partager les sensations qu’on ressent et les stratégies pour y faire face. Je me suis rééquilibrée avec des exercices des yeux mais je n’ai plus accès à mes émotions.
J’ai consulté un centre universitaire pour des vertige épuisants, une difficulté à me concentrer, du brouillard en lisant, des sensations de tomber. C’est là que le diagnostic a été fait. Curieusement, courir me dynamisait. Toutefois, assez vite, je n’ai plus pu faire face à ma profession d’infirmière aux multiples tâches : je me sentais perdue.
Les problèmes de sommeil, j’en ai eu toute ma vie comme si mon corps était à l’affût de toutes perceptions. J’ai toujours dû gérer mon corps comme si j’étais deux.
Je suis vite épuisée à la marche en montagnes. En arrivant dans les pâturages, j’avais des sensations de perte de repère, le paysage se déformait, le tout accompagné de nausées et de jambes coupées. Toute ma vie j’ai essayé des thérapies qui ne m’ont pas soulagée dont l’acuponcture qui m’a « déconnectée ». En m’observant, j’en ai conclu que j’avais un problème proprioceptif, moi et l’espace et des orgies d’énergie en me couchant et la sensation que mon corps disparaissait.
Récemment, j’ai fait une expérience éprouvante. Je suis entrée dans un bistrot et me suis assise. Alors, j’ai vu les murs se disloquer et eu la sensation de disparaître. Cela a pris bien deux minutes. Le psychiatre veut me prescrire un neuroleptique du Leponex 6,25.
Voilà quelques indications de ma détresse. Je n’ai plus de vertige. Je me suis réadaptée avec les yeux ce qui m’a demandé beaucoup de forces mentales et physiques et une perte de mes sentiments face au monde. La musique, je ne la perçois plus comme des sons agréables … et dire que j’étais musicienne !
W D, décembre 2022
Madame T-C V, 55 ans
A 44 ans, j’ai perdu l’équilibre en 5 jours. C’était il y a 11 ans. Petit à petit, seule la position allongée restait confortable. J’ai perdu l’appétit et beaucoup de poids. Les repas à plusieurs convives ou les discussions étaient un supplice tant mon esprit était embrumé. Je tenais ma tête entre mes mains histoire de stabiliser la vision floue et dansante de mon environnement et ainsi échapper à la sensation d’ébriété qui ne me quittait plus. Marcher d’un point à un autre en titubant les yeux fixés au sol relevait d’un défi quotidien que je limitais au strict minimum. Les trajets en voiture étaient à peine supportables tant l’environnement s’agitait devant mes yeux.
Mes proches ne comprenaient pas ce qui m’arrivait, voire me soupçonnaient de simuler, de faire du cinéma. On m’a dit plusieurs fois : « Fais un effort ! ». Ils ne rendaient pas compte que cela revenait à dire à un aveugle « Fais un effort, Vois ! ». Je ne leur en veux pas. Il est impossible pour des personnes équilibrées de s’imaginer ce que l’on ressent en déséquilibre permanent et la situation de vulnérabilité et de désarroi dans laquelle on se trouve.
Tous les matins, je me réveillais et l’horrible sensation avait disparue. Je me disais « ouf » c’est terminé. Dès que je m’asseyais sur le bord de mon lit, c’était la déception. Elle était toujours là… Et les angoissantes questions revenaient en boucle : Qu’est que j’ai ? Cela va -t-il s’arrêter un jour ? Le découragement et la dépression menaçaient de s’installer.
Par bonheur, je n’ai pas connu l’errance médicale. Le premier ORL consulté a immédiatement diagnostiqué une aréflexie vestibulaire bilatérale et éliminé les maladies connues pouvant provoquer ces troubles par une IRM. Il m’a également rapidement orientée vers le service ORL d’un centre universitaire mieux équipé et plus pointu dans ce type de troubles. Après une matinée de tests, l’aréflexie vestibulaire bilatérale était confirmée. Aucune promesse de rétablissement et aucun traitement miraculeux à la clé. Je suis repartie avec une prescription d’une dizaine de séances de physiothérapie spécialisées en poche dont je ne saurais dire qu’elles aient servi à grand-chose.
En revanche, j’ai repris le travail rapidement. Je me suis déplacée en train puis j’ai repris la conduite mais seulement de jour et par temps clair. L’appétit est revenu. Jours après jours, je me suis obligée à renouer avec ma vie d’avant en reprenant mes activités quotidiennes de base toujours avec les précautions nécessaires pour éviter la chute. Il faut équilibrer les charges, avoir un point de contact, des chaussures adaptées. J’ai aussi rapidement appris à ignorer les regards de biais des personnes qui me croisaient et me soupçonnaient d’être ivre dès le matin.
En 1 an, la sensation d’ébriété est devenue une compagne permanente et tolérable. Pendant ces onze ans, bien que j’aie dû renoncer à diverses activités physiques j’ai vécu quasi normalement. En plus du train-train quotidien, pour les vacances, j’ai repris mes voyages en avion plusieurs fois seule et sans assistance pour de lointaines destinations. J’ai dansé, nagé, fait des excursions en bus, train et bateau. Bien sûr, ce n’est pas toujours agréable car la sensation est toujours plus ou moins présente, cependant je profite des plaisirs de la vie lorsque les occasions se présentent. Et bien sûr, je ne me sens jamais aussi confortable que quand je suis couchée ou assise tranquillement dans mon canapé.
Je ne connaitrai probablement jamais la ou les causes de mon aréflexie vestibulaire bilatérale. D’ailleurs cela changerait-il quelque chose à ma situation ? En revanche, je pense que d’accepter rapidement la réalité de mon handicap m’a permis de l’intégrer. Certes j’ai un handicap et ma vie ne se résume pas à ce handicap. Si bien que quand on me demande : « Et tes problèmes de santé ça va mieux ? », je ne comprends pas tout de suite de quels problèmes de santé il s’agit.
Aujourd’hui, je suis suivie par une équipe spécialisée dans les troubles de l’équilibre d’un service ORL universitaire. A toute fin utile, je participe à toutes les expériences qui me sont proposées dans le cadre de recherches. Je suis également adhérente à l’association « le sixième sens » qui fait connaitre et reconnaitre ces troubles en Suisse.
A vous, à qui il arrive parfois de vous sentir flottant en l’air comme en apesanteur, je souhaiterais vous dire que c’est possible de garder les pieds sur terre et de continuer à tracer sa route en très bon équilibriste. Et vous le savez déjà n’est-ce pas ? Et à vous, qui vous demandez en me lisant « C’est quoi cette histoire d’apesanteur ?», je ferais ce petit clin d’œil : « Non tous ceux qui titubent ne sont pas forcément ivres ! Ils sont peut-être équilibristes… ».
T-C V, juillet 2022
Monsieur J-M N, 61 ans.
Je vis avec un déficit vestibulaire bilatéral depuis longtemps, au moins depuis 1990. J’avais alors 30 ans, âge auquel j’avais des crises vertiges qui ont disparu par la suite. A l’époque (1990), les différents examens n’ont rien révélés … Ce n’est qu’en 2019 qu’un diagnostic est « enfin » arrivé : aréflexie bilatérale idiopathique. Soulagement car enfin je savais et déception car pas de réelle solution. Depuis 2019 j’ai des séances de kiné vestibulaires* ce qui m’a permis de stabiliser ma vision et aujourd’hui, à 61 ans passés, je peux affronter plus sereinement la conduite et même le vélo.
Néanmoins tout n’est pas rose. Exemples typiques de choses que je ne peux pas faire : marcher en regardant un smart phone, marcher plus de 6 pas les yeux fermés, traverser un tunnel sombre en vélo, tenir sur une jambe les yeux fermés. Parfois en vélo, lorsque je m’arrête, je déclipse ma chaussure de la pédale gauche et je tombe côté droit : ça fait beaucoup rire !
J’ai également remarqué que toute altération de ma proprioception dégrade mon équilibre : douleur aux genoux, hernie inguinale, ampoule au pied, marcher dans du sable ou sur des pavés.
Je crains qu’avec l’âge, ma vue et ma proprioception se dégradant, je perde le sens de l’équilibre qui me reste. Ceci dit, je pense que je fais partie de ceux qui s’en sortent plutôt bien.
J-M N, novembre 2021
Commentaire (Professeur Jean-Philippe Guyot)
Merci de votre témoignage qui illustre très bien certains aspects de cette affection. Les épisodes de vertige que vous faisiez indiquent que vous avez perdu votre fonction par paliers. A chaque étape, il y a un épisode de vertige ; une fois la fonction totalement perdue, il y a un déséquilibre constant.
Les examens faisables en 1990 étaient limités à l’examen calorique. On stimule l’appareil vestibulaire par injection d’eau dans une oreille puis dans l’autre. Ce test renseigne sur la capacité de la fonction vestibulaire à répondre à des mouvements de tête très lents. Ce n’est que quelques années plus tard qu’il a été possible de tester ses compétences à répondre à des mouvements rapides, avec de fortes accélérations comme ceux que nous faisons à longueur de journée, lorsqu’on tourne la tête vers la personne qui nous interpelle, par exemple.
Et vous soulignez très bien le rôle de la proprioception qui devient une ‘canne’ si importante lorsqu’on a perdu la fonction vestibulaire …
Bravo pour votre courage et gros mercis de votre témoignage !
* En Suisse, on utilise tes termes équivalents de ‘physiothérapeute’ et ‘physiothérapie’.